Le Qatar accueille l'avant-dernière manche de la saison dans un contexte radicalement différent de celui de Las Vegas, disputé une semaine auparavant et situé à 13 000 kilomètres. Après le froid du Nevada, le paddock retrouve à Lusail une chaleur lourde et une humidité proches de celles de Singapour, malgré une course disputée de nuit.
Ce contraste illustre la particularité d'un tracé dont les exigences thermiques et énergétiques dépassent largement la moyenne, au point d'avoir conduit Pirelli, en accord avec la FIA, la F1 et les équipes, à introduire une mesure exceptionnelle : chaque train de pneus ne pourra pas dépasser 25 tours cumulés sur l'ensemble du week-end. Cette limite inclut toutes les phases de roulage en piste, qu'il s'agisse d'une session libre, du Sprint ou de situations sous Safety Car, à l'exception des tours vers la grille, du tour de formation et de ceux effectués après l'arrivée. Avec une distance de 57 tours, chaque pilote devra donc chausser au minimum trois trains de pneus et effectuer au moins deux arrêts, indépendamment des circonstances de course. Cette décision vise à éviter que les gommes soient de nouveau utilisées au-delà de leur seuil d'usure structurelle, comme observé l'an dernier, lorsque la gestion de la dégradation avait permis d'étendre artificiellement les relais, au prix d'une contrainte excessive sur la structure du pneu.
Pirelli reconduit la sélection la plus robuste de sa gamme, avec les C1, C2 et C3. Ce choix s'impose sur un circuit qui soumet les gommes à des niveaux d'énergie comparables à ceux de Suzuka. Ce trio de composés a d'ailleurs déjà été utilisé à trois reprises cette année, à Bahreïn, au Japon et en Espagne. La nature du tracé explique cette prudence : la majorité des 16 virages, dont dix à droite, sont rapides, en particulier la séquence 12-13-14, qui sollicite les pneus en continu sans leur laisser de véritable temps de récupération. Le bitume lisse favorise le graining, un phénomène déjà récurrent à Lusail, amplifié par le sable que le vent dépose souvent sur la trajectoire malgré les bandes d'herbe synthétique installées pour en limiter l'accumulation. Avec une température de piste élevée même en nocturne et une humidité renforçant l'inconfort dans l'habitacle, la fenêtre d'utilisation optimale pourrait se révéler étroite. Pirelli souligne toutefois que la génération actuelle semble moins sujette au graining que la précédente, sans pour autant éliminer ce risque.
L'édition 2024 offre un point de comparaison utile. La quasi-totalité du plateau avait débuté la course en pneus médium, à l'exception de Nico Hülkenberg parti en durs, et la stratégie à un arrêt s'était imposée comme la plus efficace. Les pilotes avaient prolongé sans difficulté leur premier relais sur le composé médium, dépassant la moitié de l'épreuve avant une vague d'arrêts déclenchée au tour 34 sous régime de drapeau rouge. Trois interventions de la Safety Car avaient ensuite encouragé certains à tenter un sprint final en tendres, mais ce composé s'était rapidement effondré, rendant la manœuvre improductive.
Cette année, la limitation stricte du nombre de tours par train va profondément modifier les approches stratégiques. Le médium conservera son rôle traditionnel d'option de départ, mais il ne pourra plus être poussé aussi loin qu'en 2024, et les équipes devront jongler avec les compteurs de tours encore disponibles avant chaque session. Le pneu dur devrait constituer l'axe central de la course, avec des relais naturellement contenus par la règle des 25 tours, ce qui pourrait créer des fenêtres d'arrêts resserrées et offrir davantage d'opportunités tactiques en cas d'interventions de course. Le composé tendre devrait demeurer marginal, limité aux phases qualificatives et à d'éventuels courts relais où le kilométrage n'excédera pas la fenêtre autorisée.
Dans un décor exigeant, thermiquement agressif et susceptible de produire du graining dès que la piste se salit, l'approche des équipes reposera essentiellement sur la gestion du kilométrage de chaque train, la maîtrise de l'usure structurelle et la capacité à interpréter rapidement l'évolution d'un circuit balayé par le vent et saturé d'humidité. Les contraintes spécifiques de Lusail, accentuées cette année par la règle des 25 tours, promettent une course où l'endurance des pneus ne se jouera plus sur la dégradation classique, mais sur la capacité à rester dans un cadre réglementaire (artificiel ?) strict imposé pour préserver leur intégrité.
Qatar 2025