FIA : retour à l’équilibre, mais bilan à lire entre les lignes

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La FIA annonce un résultat d'exploitation positif de 4,7 millions d'euros pour 2024, son meilleur bilan depuis dix ans, grâce à une stratégie de modernisation et de contrôle budgétaire. Cependant, des zones d'ombre subsistent, et le rapport d'activité complet sera publié en juin.

En annonçant un résultat d'exploitation positif de 4,7 millions d'euros pour l'exercice 2024, la FIA signe ce qu'elle présente comme son meilleur bilan depuis une décennie. Ce redressement, très médiatisé, est attribué à la stratégie menée depuis l'arrivée de Mohammed Ben Sulayem à la présidence fin 2021. Présenté comme une promesse électorale tenue, ce virage financier serait le fruit d'une modernisation interne, d'un renforcement du contrôle budgétaire et d'une rationalisation des processus décisionnels. Mais à la lecture du communiqué publié ce 20 mai 2025, plusieurs éléments invitent à relativiser la portée réelle de cette annonce.

Le message est clair : après cinq années consécutives de déficit, la FIA revient à l'équilibre grâce à une transformation structurelle de sa gouvernance. Le chiffre d'affaires 2024 atteint 182 millions d'euros, en hausse de 17 % sur un an, et l'organisation annonce fièrement ne présenter aucune dette financière, avec un ratio de fonds propres de 45 %. La mise en place d'un reporting trimestriel, le renforcement du contrôle des achats et l'instauration d'un comité de pilotage sont autant de leviers cités comme moteurs de ce redressement.

Mais cette communication, très orientée sur la performance et la transparence, laisse de nombreuses zones d'ombre. Aucun compte de résultat détaillé n'est fourni, aucun mot sur le résultat net ni sur les charges exceptionnelles ou les éventuels éléments non récurrents. La progression du chiffre d'affaires n'est pas ventilée par activité : on ignore donc si cette croissance est le fruit d'une amélioration des recettes liées à la Formule 1, d'une hausse des contributions des fédérations membres, ou d'une variation du périmètre consolidé. De la même manière, les économies réalisées ne sont pas chiffrées. Rien n'est dit sur une éventuelle réduction des aides versées aux ASN, sur une réorganisation de la masse salariale ou sur une rationalisation des événements soutenus. Autant d'éléments pourtant indispensables pour juger de la solidité d'un retour à l'équilibre.

Le ratio de 45 % de fonds propres, s'il semble rassurant, reste flou dans son périmètre : s'agit-il du total bilan ? d'un calcul sur les seuls capitaux permanents ? Aucune donnée comparative n'est fournie pour mesurer l'évolution par rapport aux années précédentes. En outre, la publication du rapport d'activité 2024 est annoncée pour juin, soit après la diffusion du communiqué, ce qui empêche toute vérification immédiate des chiffres avancés. Cette dissymétrie temporelle entre communication et publication comptable donne l'impression d'une volonté de maîtriser le discours public en amont.

Sur la forme, le communiqué relève davantage de la communication politique que d'un exercice de reddition de comptes classique. Il met en scène le président et son équipe comme artisans uniques de cette réussite, dans une logique de bilan de mandat, en insistant sur les engagements tenus. Mais dans un contexte où la FIA a été régulièrement critiquée depuis 2022 pour ses prises de position, sa gestion interne ou ses relations parfois tendues avec la F1, ce coup de projecteur budgétaire ressemble aussi à une tentative de reprise de contrôle du narratif à l'approche de la prochaine Assemblée Générale.

Il ne s'agit pas ici de nier la réalité d'un redressement financier tangible, ni de suspecter la véracité des chiffres avancés. Mais pour être crédible, une communication financière ne peut se limiter à un tableau flatteur dépourvu de détails concrets. En l'état, l'annonce constitue un signal positif, mais il faudra attendre la publication du rapport d'activité complet pour évaluer la qualité réelle du redressement, la part de structurel et celle de conjoncturel, et la soutenabilité de la trajectoire désormais revendiquée comme modèle.