La bataille interne chez McLaren à Monza s'est jouée autour d'une séquence stratégique et d'échanges radios qui ont conduit Oscar Piastri à rendre la deuxième place à Lando Norris. Habituellement, la priorité stratégique revient au pilote placé devant en piste. Ici, McLaren a demandé à Norris s'il acceptait de laisser Piastri s'arrêter en premier en fin d'épreuve. Norris a donné son accord à la condition de ne pas subir d'undercut, assurance qui lui a été donnée.
Piastri s'est arrêté au tour 45 pour chausser les tendres en 1,9 s, puis Norris au tour 46, mais un problème sur l'avant-gauche a allongé son arrêt à 5,9 s, le faisant ressortir derrière son équipier. Le mur des stands a alors demandé à Piastri de restituer la position, en référence à un précédent en Hongrie : "Oscar, c'est un peu comme la Hongrie l'an dernier. Nous avons arrêté les voitures dans cet ordre pour des raisons d'équipe, merci de laisser passer Lando puis vous serez libres de courir."
Réponse radio d'Oscar Piastri : "On avait dit qu'un arrêt lent faisait partie de la course, donc je ne comprends pas trop ce qui a changé ici. Mais si vous voulez vraiment que je le fasse, je le ferai."
À l'arrivée, Piastri a conservé l'ironie d'un "inschident" en référence à une vidéo virale de karting entre Leclerc et Verstappen, mais a aussi livré un bilan plus posé. "Un début difficile, peut-être pas mes deux meilleurs premiers tours. Nous semblions avoir un rythme assez bon par rapport à Charles, puis j'ai dû le dépasser et la course a ensuite été assez solitaire. J'ai un peu souffert dans la première partie, la voiture n'était pas exactement comme je l'aimais. Une fois que les pneus ont commencé à se dégrader, c'était un peu mieux, ce qui n'est jamais bon signe. Content des points et je les prends. Un petit inschident à la fin mais ça va !"
A Sky Sports, le pilote australien a complété : "Heureux n'est pas le mot, mais je ne suis pas non plus trop déçu. Il est clair qu'aujourd'hui, en tant qu'équipe, nous n'avions pas le rythme pour rivaliser avec Max. De mon côté, la première moitié de course a été compliquée avec l'équilibre de la voiture. Ensuite, les choses se sont améliorées à mesure que les pneus mediums vieillissaient. Mais il fallait bien s'arrêter à un moment donné. Je ne pense pas qu'il y ait eu trop d'occasions manquées, simplement pas tout à fait le rythme et puis je n'ai pas fait le travail en qualifications non plus. C'est quelque chose dont nous allons discuter, c'est certain. Quand vous êtes dans la même équipe, c'est le même pit crew, les mêmes mécaniciens, il y a beaucoup en jeu, pas seulement pour nous mais pour toute l'écurie. Je pense qu'aujourd'hui, la décision de rétablir l'ordre des positions était juste. Lando a été devant moi toute la course donc je n'ai pas de problème avec ça. Mais nous en discuterons quand même. Ce week-end, je n'ai rien appris de révolutionnaire. Partir plus devant aide beaucoup et je pense savoir ce que j'aime et ce que je n'aime pas de la voiture. Il faut simplement éviter de se retrouver à nouveau dans cette situation."
Interrogé par la F1 sur l'épisode, il a concédé l'existence de "raisons valables" ("valid reasons") pour l'échange de positions : Lando s'était qualifié devant et avait mené l'essentiel de la course, tout en rappelant qu'"il y a des choses à discuter". L'écart au championnat passe de 34 à 31 points.
Norris a, lui, défendu la logique d'équité tout en soulignant qu'il n'aimait pas obtenir un résultat de cette manière : "C'est ce que nous avions décidé en équipe avant la course. Si ça avait été l'inverse, nous aurions fait exactement la même chose. Ce n'est pas ainsi que je veux que les choses se passent. Je ne prends pas ces décisions, je ne les planifie pas, je ne veux pas gagner ou finir deuxième ou troisième de cette manière. Mais c'est ce qu'il y a de plus juste. Et si j'avais été derrière et qu'Oscar avait eu la même chose, j'aurais dû céder ma position. Ce n'est la faute ni d'Oscar ni de moi, c'était une erreur de l'équipe, et ça me coûte. Je sais que ça ne donne pas la meilleure image. Je n'en avais pas envie, mais au bout du compte c'est le plus équitable de pilote à pilote, et c'est la manière dont l'équipe veut fonctionner. Je pense que c'est la manière la plus juste."
Il a par ailleurs résumé sa course face à Verstappen : manque de vitesse relative, bonne bagarre au départ, et "deuxième, c'était notre meilleur résultat".
Andrea Stella a défendu la décision du mur des stands, évoquant un retour à l'ordre d'avant les arrêts et la "manière McLaren" de gérer ce type de situation : "On peut certainement expliquer cela. Je veux d'abord préciser que la décision que nous avons prise aujourd'hui n'a rien à voir avec ce qui s'est passé aux Pays-Bas. C'est indépendant du DNF que l'équipe avait causé à Lando. Ici, c'est une situation différente et nous prenons les courses une par une. Aujourd'hui, lorsque nous avons lancé la séquence d'arrêts, nous avons fait arrêter Oscar en premier, mais avec l'intention claire de ne pas inverser les positions. Malheureusement, cela s'est combiné avec un arrêt lent. Nous avons donc estimé que la première chose à faire était de revenir aux positions que nous avions avant les arrêts. Je suis sûr qu'Oscar est à l'aise avec cela. Il l'était déjà pendant la course. Nous montrons encore une fois les valeurs et les principes de McLaren."
Le team principal de l'écurie de Woking a aussi expliqué au micro de Sky Sports : "C'était clairement une décision du mur des stands. Nous avions non seulement eu un problème dans la voie des stands, mais aussi séquencé les arrêts de sorte à conserver la position après l'arrêt ; or, d'une façon ou d'une autre, l'ordre a changé. Nous avons donc estimé que la bonne chose à faire était de revenir à la position initiale et de les laisser courir. Je veux remercier Oscar car il n'a pas du tout rendu cela difficile. Encore une fois, Oscar et Lando ont montré les principes et les valeurs qui nous guident. Nous avons deux grands pilotes, capables de se battre pour le titre mondial, et nous courons à la manière McLaren — ce que nous pensons juste et sportif. C'est ce que nous avons fait aujourd'hui."
En résumé, la séquence s'articule ainsi : consultation préalable de Norris (acceptation de laisser Piastri s'arrêter en premier avec garantie anti-undercut), arrêt éclair de Piastri (1,9 s), arrêt lent de Norris (5,9 s) qui inverse l'ordre, instruction radio demandant à Piastri de céder la place, exécution par l'Australien malgré ses réserves, et défense publique du choix par Stella au nom de l'équité interne. Piastri reconnaît des "valid reasons" tout en souhaitant clarifier les règles à l'avenir ; Norris assume une décision qu'il juge "la plus juste", même s'il n'aime pas gagner des positions ainsi. L'épisode ramène l'écart au championnat pilotes à 31 points en faveur de Piastri.
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