Interrogé en conférence de presse après sa troisième place à Singapour, Lando Norris a dû s'expliquer longuement sur l'accrochage du premier tour qui l'a vu toucher d'abord la Red Bull de Max Verstappen, puis son coéquipier Oscar Piastri.
"Je n'ai toujours pas vu les images. Je dois aller les regarder. Peut-être que je verrai qu'il y avait autre chose à faire ou à mieux faire. Mais n'importe qui sur la grille aurait fait exactement la même chose que moi."
"Donc si on me reproche simplement d'être allé à l'intérieur et d'avoir placé ma voiture dans une ouverture, alors oui, je pense que vous ne devriez pas être en Formule 1."
"Donc, vous savez, je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de mal. Bien sûr, j'ai un peu mal jugé à quel point j'étais proche de Max, mais c'est ça, la course."
"Rien d'autre ne s'est passé, et je suis sûr que j'aurais de toute façon fini devant Oscar, car j'étais à l'intérieur et lui aurait eu le mauvais côté de la piste à l'extérieur."
"Donc oui, je dois bien sûr revoir ça. Je dois regarder et voir s'il y avait quelque chose que j'aurais pu mieux faire. La dernière chose que je veux, c'est toucher mon coéquipier, surtout parce qu'après je n'ai droit qu'à vos questions."
"Donc, vous savez, je suis celui qui ne peut pas se permettre ce genre de choses par rapport à lui. Je me mettrais moi-même en danger si cela se produisait."
"Donc oui, je verrai ce que je peux faire la prochaine fois. Mais la FIA a manifestement jugé que c'était correct, et l'équipe aussi. Donc voilà."
L'analyse de ses propos met toutefois en lumière une certaine contradiction. Norris affirme "je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de mal" tout en concédant immédiatement après "j'ai un peu mal jugé à quel point j'étais proche de Max". Ce paradoxe illustre bien la ligne de défense du Britannique : minimiser la faute tout en admettant implicitement une erreur d'appréciation. Pouvons-nous lui jeter la pierre dans un milieu compétitif où les décisions se prennent à la milliseconde et où les conditions d'adhérence ne sont pas inscrites, immuables et constantes, dans un réglage de jeu vidéo ?
Enfin, le discours de Norris sur la "grande ouverture" qu'il a voulu exploiter a fait réagir sur les réseaux sociaux. Comme l'a relevé un observateur : réussir à toucher deux voitures en trois secondes relativise cette justification. Cette ironie met en exergue la perception extérieure d'une manœuvre plus brouillonne qu'il ne veut bien l'admettre.
Ceci dit, Norris faisait remarquer il y a quelques temps que quoiqu'il fasse, les gens n'étaient pas contents. Il attaque ? "C'est trop aggressif". Il n'attaque pas ? "Il n'est pas assez mordant". L'opinion publique s'embrase mais ce qui est sûrement à tirer de cette action n'est pas tant le fait de course, puisqu'il ne s'agit finalement d'un fait de course, mais plutôt la gestion perceptible (mauvaise ?) par McLaren de deux pilotes en route avec un possible premier titre de champion du monde.
L'équité, en revanche, semble avoir vacillé. Sans être dans l'intimité de l'écurie pour entendre les consignes exactes, la perception extérieure laisse croire qu'un favori a peut-être été désigné, malgré les assurances répétées de Stella et Brown affirmant qu'aucune préférence n'existe. Le fameux "let them race" reste affiché comme principe, mais il paraît n'être appliqué pleinement que si Piastri ne met pas en cause Norris ou que l'écurie ne pénalise pas Norris par rapport à Piastri. Lorsque la situation s'inverse, le traitement n'apparaît pas équitable, observation qui — je l'avoue — fait débat selon les sensibilités de chacun.
Cette impression n'est pas isolée : plusieurs observateurs listent déjà les épisodes récents où les "Papaya rules" auraient tourné à l'avantage de Norris — consignes de maintenir la position au Japon ou en Autriche, absence de sanction pour un quasi-contact en interne, stratégie plus favorable dans certaines courses, et désormais un deuxième contact avec Piastri qui n'entraîne aucune conséquence pour lui. Du côté de l'Australien, ce ressenti alimente un discours de "traitement inéquitable".
À l'inverse, d'autres estiment que Piastri dramatise : son irritation à Singapour découlerait aussi d'un enchaînement frustrant — un week-end moyen à Bakou ( de son fait), un départ raté à Marina Bay (bis) — qui le rend plus sensible à la moindre anicroche. Comme le soulignait un fan de l'Australien, "sa réaction est moins liée à l'incident en lui-même qu'à une accumulation de petits signes de favoritisme perçu".
A chacun sa perception des choses mais, surtout, à McLaren d'affirmer une bonne fois pour toute qu'elle a fait un choix pour désigner qui sera son champion.
Singapour 2025