Adrian Newey est à Monaco. Jeudi dernier, assis sur le toit du motorhome Aston Martin, soft drink citronné à la main, il a accordé un entretien exclusif à la F1 alors qu'il découvrait enfin le paddock en 2025. Depuis son arrivée chez Aston Martin début mars, c'est la première fois qu'il met les pieds sur un circuit. Et si certains espéraient que le génie de la planche à dessin allait immédiatement révolutionner le sort de l'équipe de Lawrence Stroll, il faut être clair : ce n'est pas pour maintenant.
Le Britannique a passé les trois derniers mois cloîtré à Silverstone, scannant l'équipe, les outils, les méthodes. Et le constat est limpide : "Il est juste de dire que certains de nos outils sont faibles. En particulier le simulateur avec pilote [driver-in-the-loop simulator - DIL], qui a besoin de beaucoup de travail car il ne corrèle pas du tout pour le moment – or c'est un outil de recherche fondamental." Autrement dit, en 2025, Aston Martin joue avec une main partiellement attachée dans le dos.
Mais Newey n'est pas là pour sauver cette saison. Ni même pour piloter 2025. Il l'assume : "Je me suis vraiment concentré sur la voiture de 2026. Mais oui, je participe à des discussions à l'heure du déjeuner : il y a une petite équipe centrale qui travaille sur la voiture 2025, et elle continuera pendant encore quelques mois." Il se contente d'intervenir à la marge, de manière informelle, pendant que le petit groupe chargé du projet 2025 avance sans lui.
Ce que Newey veut, c'est construire une équipe taillée pour le nouveau règlement. Il évoque un chantier de deux ans pour structurer le fonctionnement interne, améliorer les outils de simulation, optimiser les échanges, et poser les bases d'une organisation capable de rivaliser à l'avant du peloton. Pas de recette miracle. Pas de raccourci. "Mettre en place un plan pour amener tout ça là où ça doit être, c'est sans doute un projet sur deux ans, en vérité."
L'homme aux titres avec Williams, McLaren et Red Bull évoque sa méthode, sa liberté d'action, son approche instinctive. Il assume son côté électron libre, avec peu de hiérarchie, beaucoup de dessin, et une vision long terme. Mais il reste très vague sur la direction technique, les grandes lignes de la future AMR26 ou même les enseignements tirés des monoplaces 2025. "C'est la première fois que je vois ces voitures. Et je n'ai d'ailleurs pas passé beaucoup de temps à étudier leurs photos non plus."
Autrement dit : Newey observe. Il prépare. Mais il n'a encore rien lancé de concret visible. Le projet est jeune, les moyens restent limités sur certains fronts, et l'organisation est encore en phase de digestion de sa croissance. Même si Lawrence Stroll a frappé un grand coup en le recrutant, il faudra patienter. 2025 sera une saison de transition. 2026, peut-être, une renaissance.