Lando Norris a signé sa deuxième pole position de la saison, en battant tous les records sur le tracé monégasque. Charles Leclerc, frustré de ne pas partir en tête à domicile, s'élancera à ses côtés, devançant néanmoins Oscar Piastri, actuel leader du championnat.
Max Verstappen, pourtant vainqueur à Imola, n'a pu faire mieux que le cinquième temps — finalement quatrième après une pénalité infligée à Hamilton. Un résultat discret pour le quadruple champion du monde, mais qui, compte tenu de l'incertitude stratégique à Monaco, pourrait suffire à rester dans le match. D'autant que d'autres favoris, comme les Mercedes, sont bien plus mal lotis avec une 14e et une 15e place sur la grille, au terme de qualifications à oublier.
Monaco n'est pas toujours aussi processuel qu'on le prétend, mais dans une édition "classique", ces positions en fond de grille auraient des airs de condamnation. Sauf que cette année, un élément nouveau vient tout bousculer.
Les anciennes certitudes ont été balayées : une modification du règlement pneumatique introduit une part d'inconnu totale. Impossible de prédire la physionomie de la course. Comme l'a résumé samedi soir Mario Isola, directeur de Pirelli Motorsport : "Si quelqu'un sait ce qu'il va se passer demain, ce n'est pas un ingénieur stratégie… c'est un génie."
Si la course reste sèche, les pilotes devront effectuer au minimum deux arrêts au stand, en utilisant au moins deux des trois types de pneus slick disponibles. Les équipes ont évidemment traqué les failles du règlement. Comme d'habitude, un changement de pneus pendant un drapeau rouge comptera comme un arrêt valide. En revanche, un changement de pneus à la fin du tour de formation ne comptera pas comme l'un des deux arrêts obligatoires, pas plus que le fait de remettre un train déjà utilisé.
Dans ce contexte, la position en piste devient plus importante que la vitesse pure. Et s'il existe des courses à deux arrêts, rares sont celles où les équipes ne feraient aucun arrêt si elles avaient le choix.
La course 2024 n'est pas vraiment un modèle à suivre. Elle avait été interrompue dès le premier tour à la suite d'un gros accrochage impliquant Sergio Perez et les deux Haas. Pendant le drapeau rouge, la majorité des pilotes ont changé de pneus, puis ont parcouru les 77 tours restants sans s'arrêter. Quelques voitures en fond de peloton ont effectué un second arrêt uniquement pour tenter le meilleur tour (qui rapportait encore un point pour les pilotes du top 10).
L'allocation de pneus ce week-end est extrêmement disparate : McLaren, Aston Martin et Hamilton ont opté pour 4 tendres, 1 médium, 2 durs ; Leclerc, Alpine, Haas et Williams pour 4 T - 2 M - 1 D ; Red Bull, Racing Bulls et Sauber pour 5 T - 1 M - 1 D ; et enfin Mercedes pour 3 T - 2 M - 2 D. Du jamais vu depuis l'introduction des allocations fixes en 2020. De quoi faire chauffer les cerveaux des stratèges.
Habituellement, un visuel propose les scénarios probables. Cette fois, rien ! Pourquoi ? Car tout est possible. Un scénario à deux arrêts n'est pas une rareté (comme à Bahreïn cette saison), mais à Monaco — avec sa faible dégradation et ses possibilités de dépassement quasi nulles — c'est une autre histoire.
"Prédire une stratégie pour demain est quasiment impossible — parce que toutes les combinaisons sont envisageables", confirme Mario Isola. "La combinaison pourrait être… n'importe quoi : il est vraiment difficile de savoir si une option est meilleure qu'une autre. Les ingénieurs stratégie travaillent sur tous les scénarios possibles."
"C'est intéressant d'attendre leur décision finale — c'est totalement nouveau. Nouveau pour nous, mais aussi pour eux… et d'ordinaire, quand quelque chose échappe au contrôle des ingénieurs, la course est meilleure", explique Mario Isola qui semble aller dans le sens de l'édulcoration de la course monégasque.
Traditionnellement (et de façon extrême en 2024), le leader à Monaco ralentit le rythme pour conserver un peloton compact et empêcher un poursuivant de tenter un undercut. Mais cette méthode ne tient plus dans une course à deux arrêts. Ceux qui partent loin — comme les Mercedes — pourraient anticiper une entrée aux stands dès les premiers tours pour profiter d'une piste dégagée. Avec deux arrêts et peu de dégradation, les pilotes pourront attaquer davantage que d'habitude, même avec les gommes tendres. La meilleure stratégie pour le peloton de tête sera probablement de creuser un écart rapidement pour mieux contrôler la course.
Des idées plus extrêmes sont également envisagées. L'une d'elles serait de s'arrêter dès le premier tour pour rouler seul en piste ensuite. Mais l'idée la plus farfelue serait de s'arrêter aux tours 1 et 2, et ainsi solder ses deux arrêts immédiatement. Car on sait qu'un pneu C4 peut tenir toute la distance sans problème.
"À mon avis, ce n'est pas une vraie option, car ici, la voiture de sécurité, la VSC et le drapeau rouge sont fréquents", objecte Isola. "Si vous faites vos deux arrêts au début, et qu'une Safety Car arrive ensuite, vous ruinez votre course : vous aurez payé le prix fort sans en tirer d'avantage."
Une longue neutralisation pourrait inciter les pilotes à faire leurs deux arrêts sous Safety Car. Si beaucoup d'équipes tentent cela simultanément, cela pourrait congestionner la petite voie des stands de Monaco, surtout en cas de double arrêt. Les équipes qui effectuent un double arrêt pourraient se retrouver à bloquer la file extérieure de la voie des stands, créant un embouteillage qui s'étendrait jusqu'à la Rascasse.… Le directeur de course pourrait-il brandir un drapeau rouge dans un tel cas ? Une question que tous les stratèges doivent sérieusement considérer.
Côté météo, ciel bleu à prévoir. Aucune goutte de pluie attendue. Un orage aurait pu simplifier les calculs, mais le soleil devrait biller sur la Principauté.